Bien que regardant régulièrement les dernières parutions, j’étais passée à côté de cet ouvrage. Heureusement, une critique en a été faite sur le forum le Coin des lecteurs (très positive la critique) et j’ai donc dans la foulée acheté ce roman. Je suis dans une période « Jane Austen » (les mauvaises langues pourraient dire que je n’en sors que rarement) et je me suis plongée dans ce roman dès son arrivée (et ce malgré une couverture plus que laide).
Ça a été un régal à lire. Habituée que j’étais de lire soit de mauvais romans profitant du nom de la grande romancière pour se vendre, soit des réécritures plus ou moins réussies de ses romans, j’ai été plus qu’agréablement surprise dès le début. Et ce même si le postulat de base est léger. Samantha, une américaine passionnée de Jane Austen (elle a commencé une thèse sur le sujet) découvre dans un vieux recueil de poésie une lettre de sa romancière favorite. Celle-ci y dévoile l’existence d’un manuscrit qu’elle a perdu ! Aussitôt, Samantha part sur les traces du manuscrit et va croiser la route d’Anthony et trouver le manuscrit (c’est vraiment le début de l’histoire, je ne dévoile rien !)
Ce roman comporte donc deux histoires : celle de Samantha et d’Anthony, et celle du roman de Jane Austen que vont lire les deux précédents. Autant dire que ces deux histoires sont très inégales. La première est vraiment un « prétexte » au récit « signé » Jane Austen. C’est assez basique et dès le début on sait ce qu’il va se passer. Très fleur bleue, un peu niais, j’avoue ne pas avoir trop accroché. Passe encore que Samantha en deux jours découvre une lettre de Jane Austen et un manuscrit, mais ses sentiments pour Anthony évoluent à mon avis trop rapidement, et la fin est cousue de fil blanc. J’aurais aimé plus de subtilité… Néanmoins, leur histoire est nécessaire dans la mesure où elle éclaire le manuscrit, et la vie de Jane Austen. J’ai d’ailleurs à cette occasion découvert beaucoup de choses sur elle, et c’est très agréable.
Là où le roman prend toute sa puissance, c’est dans les chapitres reproduisant le fameux manuscrit. Syrie James a réussi le tour de force d’écrire une histoire que l’on peut effectivement attribuer de manière très crédible à Jane Austen. Alors oui, si je pinaille, il y a des détails qui montrent que ce n’est pas du Jane Austen : a-t-on déjà vu l’une de ses héroïne « rougir comme une tomate » ou « avoir envie de vomir » ? J’en doute. Plusieurs tournures de phrases ou d’autres expressions du même style m’ont fait tiquer, mais dans l’ensemble l’écriture est proche. De même, le roman fait peut-être un peu « trop » Jane Austen, et on est en terrain connu : les soeurs Wabshaw font indubitablement penser à Miss Bates de Emma, Amélia à Isabella Thorpe, les Newgate aux Allen et Catherine Clifton à Eleanor Tilney, tous présents dans Northanger Abbey (j’ai d’ailleurs trouvé que bien des détails de la partie à Bath faisaient penser à ce roman), Mr Spangle a des côté de Mr Collins d’Orgueil et Préjugés… Mais après tout, ce manuscrit est sensé être antérieur aux autres oeuvres de Jane Austen, et il paraît naturel que cela ait été pour elle une source d’inspiration pour créer ses futurs personnages. Par contre, et c’est très agréable, l’histoire se tient, est très prenante. La fin parfois un peu alambiquée mais cela reste crédible et la trame générale est également semblable aux écrits de la romancière. L’ambiance, les codes de l’époque, tout est très bien respecté. On sent que Syrie James connaît son Jane Austen sur le bout des doigts, et a un énorme respect pour son oeuvre. L’héroïne, Rebecca, est très austenienne mais elle a une réelle individualité, une personnalité propre et n’est en aucun cas une pâle imitation ou une reprise des autres héroïnes féminines de Jane Austen. C’est réellement un personnage que n’aurait pas du tout renié celle-ci ! C’est d’ailleurs, à mon avis, en très grande partie une sorte d’hommage de Syrie James qui fait de Rebecca un double de Jane Austen : le manuscrit de Jane Austen serait à mon sens en partie autobiographique car Rebecca et Sarah font évidemment référence à Jane et à sa soeur Cassandra, et beaucoup des pérégrinations ressemblent à la vie de Jane Austen au moment où elle a soi-disant écrit le manuscrit. De même, d’autres personnages sont réellement attachants, et ont une individualité et une existence propre sans aucune réelle référence à d’autres romans de Jane Austen.
Alors oui, ce fameux manuscrit n’est pas de Jane Austen, et on le sent. Il n’en reste pas moins que j’ai été vraiment prise dans l’histoire, et qu’il ne manque pas grand chose pour qu’on se dise qu’en effet, cela pourrait être du Jane Austen. Une chose est sûre, je relirai le fameux manuscrit avec plaisir, rêvant qu’une telle découverte soit un jour faite pour de vrai…